Le Pays basque intérieur est l’un des 7 territoires-laboratoires sélectionnés dans le cadre du programme de recherche MARGINOV porté par l’UMR Passages et soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine.
Le Pays basque intérieur, un monde agricole en marge des systèmes conventionnels
Un territoire d’élection de l’agriculture paysanne
Le Pays basque présente trois grands ensembles géographiques :
- un littoral qui concentre la majeure partie de la population, des activités et des infrastructures autour de l’agglomération de Biarritz-Anglet-Bayonne,
- et un arrière-pays rural et agricole dans lequel nous pouvons distinguer :
- les vallées alluviales (Adour, Gave, Nivelle et leurs affluents) ou les bassins (Saint-Palais), plutôt dédiées à l’agriculture conventionnelle en grandes cultures (maïs)
- les collines et les montagnes, terre d’élection de l’agriculture paysanne marquée par l’agropastoralisme et la pratique de la transhumance.
Le monde agricole basque se distingue en France par la prédominance de petites exploitations (23 hectares en moyenne) majoritairement ovines et par l’importance des nouvelles installations malgré un recul général de l’emploi agricole. La dualité de l’espace rural basque se traduit aussi dans les institutions d’encadrement de l’agriculture avec la création en 2005 d’une chambre d’agriculture alternative dont le périmètre englobe le seul Pays basque. Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG – chambre d’agriculture basque – en la langue basque), est principalement porté par le syndicat ELB (Euskal herriko Laborarien Batasuna – syndicat des paysans basques) rattaché à la Confédération Paysanne depuis 1987 (Itçaina, 2005, 2009). Cette structure associative s’est construite en opposition au syndicat majoritaire la FDSEA à la chambre d’agriculture des Pyrénées Atlantique et contre la principale coopérative agricole du secteur Lur Berri. Ce mouvement d’individualisation de l’agriculture paysanne basque et de soutien à la transition agroécologique regroupe différents partenaires notamment les 19 associations de développement agricole local membres de la fédération Arrapitz.
Ainsi, le Pays basque intérieur constitue un pôle dynamique d’innovation dans les pratiques agricoles qui se distingue par la valorisation de pratiques alternatives de développement rural autour de l’agropastoralisme paysan. Cette structure a subi de nombreuses attaques juridiques lors de sa création, mais elle constitue désormais un organisme complémentaire à la chambre départementale reconnue et à ce titre bénéficie de subventions de collectivités (région, département, EPCI) et d’agences publiques (agence de l’eau).
en construction
La création d’entités alternatives propres au Pays basque s’inscrit dans un mouvement général de dédoublement des institutions publiques par la création d’organismes de coopération publics ou parapublics sur le périmètre du Pays basque français. L’idée de faire reconnaître le Pays basque comme une collectivité territoriale à part entière est assez ancienne, puisque les premières revendications de création d’un département basque datent de 1790 (date de création des 83 départements français par l’Assemblée nationale constituante). C’est avec la structuration du mouvement nationaliste basque dans les années 1970 que cette revendication est réactivée. Finalement, à défaut d’un département basque, en 2015, la loi NOTRe en élevant le seuil minimum de population pour former un EPCI de 5000 à 15000 habitants permet la fusion de 5 EPCI en une vaste Communauté d’agglomération Pays basque. Celle-ci constitue le plus grand EPCI de France par la superficie (2 968 km2) et le nombre de communes (158), et englobe une population de plus de 300 000 résidents soit l’équivalent du département du Cher ou de la Mayenne.
Un découpage territorial alternatif
Cela a permis d’instituer un périmètre spécifique : la montagne Basque ; et d’orienter le projet de territoire vers la conciliation entre les activités agropastorales, l’entretien des espaces forestiers et les activités de loisir de plein air. Le projet de territoire reconnaît la complémentarité des différentes activités qui entretiennent le paysage (agropastoralisme, foresterie) et contribuent à son attractivité pour le tourisme et les activités de loisirs en maintenant des milieux ouverts. Il porte l’accent en particulier sur la gestion des conflits d’usages entre les activités productives (agriculture, élevage, foresterie, chasse) et les activités de loisir (tourisme vert, sports motorisés, chasse).
Le comité de programmation du LEADER montagne basque intègre dans le collège privé à la fois la chambre d’agriculture départementale et la chambre d’agriculture alternative EHLG. La gouvernance de ce territoire de projet est en cours de restructuration avec la préfiguration d’un PNR Montagne basque d’ici à 2021 porté désormais par la Communauté d’Agglomération Pays Basque.
18.11.2017 : Saint Martin d’Arberoue – Maison Soheizia , Vallée de l’Arberoue
« Avant on avait un cheptel mixe de vaches à lait et vaches à viande, mais les aides pour le lait était dérisoire et l’investissement trop lourd donc on s’est adapté. »
Un cheptel de vaches tel que celui – ci nécessite un espace plus important que pour des brebis. L’élevage bovins est toujours présent au Pays – Basque mais concerne les grandes exploitations comme celle – ci, qui ont assez de terrain, et des infrastructures plus importantes, pour que cela puisse être rentable.
15.11.2017 : Saint Esteben – Montagne Garralda, Vallée de Garraldako Erreka
« S’il n’y avait pas les paysans pour entretenir la montagne personne ne marcherait. »
Le chemin de randonnées passant au travers des fougères permet d’apprécier les hauteurs et la vue dégagée sur la vallée et les montagnes enneigées des Pyrénées.
Les travaux de recherche conduit dans le cadre du programme MARGINOV dans le Pays basque intérieur cherche à comprendre quelles formes alternatives de modes d’habiter, de rapport à l’animal, aux milieux et aux paysages se développent au Pays basque intérieur dans ce monde agricole paysan singulier. Il s’agit aussi de saisir les effets de ces pratiques particulières sur la qualité du cadre de la vie quotidienne des habitants de ce territoire en interrogeant l’expérience ordinaire des habitants. Ce travail s’appuie sur la création d’un Atlas partagé des paysages agricoles. Il s’agit de s’extraire d’une approche esthétisante ou pittoresque du paysage agraire, pour valoriser et rendre public les expériences des habitants à rebours des méthodes habituelles de création d’atlas paysagers engagés par les ministères de l’Agriculture ou de l’Environnement. Ce travail se nourrit notamment des travaux de terrain d’étudiants en formation paysage entamée en 2016 lors du séminaire « Processus coopératifs et participation des populations au projet de paysage ». Il est réalisé en partenariat avec le « service environnement » du Conseil Départemental des Pyrénées Atlantique.
Une pédagogie-recherche sous la forme de modules pédagogiques en immersion
Chaque année depuis l’année universitaire 2016/2017, un petit groupe d’étudiants logent (sous la forme d’une résidence et durant trois semaines environ) sur le territoire même d’étude. Ils consacrent l’essentiel de leur temps à aller à la rencontre d’agriculteurs et à visiter à leurs côtés leurs fermes. La ferme Pedronia à Lohitzun-Oyhercq d’Anita Duhau (chevrière et docteure en sciences de l’éducation) a accueilli trois années durant les étudiants et les enseignants dans son gîte. Les étudiants ont pour objectif d’identifier ce qui participe de l’expérience quotidienne des agriculteurs dans cet espace collinéen. Le territoire d’étude comprend quatre secteurs : la vallée de la Soule, l’Ostibarre, l’Amikuze, et le Béarn des gaves. Ils cherchent à aborder cette expérience sous son angle le plus ordinaire. Pas tant d’un point de vue de l’économie et des orientations agricoles que de ce qui relève du « familier » (à différencier de « l’espace vécu »). Une hypothèse consiste à dire qu’il est possible d’approcher cette dimension familière de l’expérience dans l’entrelacement de celle-ci avec l’ensemble des êtres vivants qui constituent le micro-collectif « ferme ». La ferme est envisagée comme une « société » qui se caractériserait par une configuration toujours singulière et située des associations humains – non humains. Quels non humains participent du collectif et comment ? D’une certaine manière, la notion de société prend ici un sens réduit qui tend à aborder la ferme comme une sorte de « monde ».
Les partenaires de la recherche-action :
- Enseignement supérieur et recherche : ENSAP Bordeaux, UMR Passages
- Collectivités : Conseil départemental des Pyrénées Atlantique, Communauté d’agglomération du Pays Basque, Commune d’Ostabat
Les acteurs de la recherche-action:
- Coordination : Cyrille Marlin
- Contributeurs : Rémi Bercovitz (paysagiste, enseignant-chercheur), Stéphane Duprat, Fabien Reix (sociologue, enseignant-chercheur), Anita Duhaut (éleveuse, chargée d’enseignement et de recherche), Amandine… (paysagiste, monitrice et chargée de recherche), Philippe Wolosyn (architecte, enseignant-chercheur), Guillaume Bonnel (photographe), Henaut (Conseil départemental), Loïc Debray (Chargé de Mission Politique de la Ville Communauté d’Agglomération Pays Basque)
Pour approfondir :
Marlin C. (2008). « Les jardins de Yanaka », in L’expérience ordinaire, thèse de géographie, EHESS.
Pernet A., Baret M., Marlin C., Miramand V. (2014), « Un atelier mobile comme vecteur de mise en relation des acteurs du paysage. Retour réflexif sur l’expérience de l’atlas pratique des paysages d’Auvergne, 2011-2013 ». SUD-OUEST EUROPEEN, N°38, p.31-46. URL: https://journals.openedition.org/soe/1564
Marlin C. (2017). « Ce qu’observer veut dire : Place de l’observation des paysages dans une pratique de paysagiste ». Projets de paysage, N°15. URL : http://www.projetsdepaysage.fr/fr/ce_qu_observer_veut_dire
Marlin C. (2017, janvier). « L’atelier mobile des paysages d’Auvergne ». Communication dans le cadre de Du paysage « tel que perçu » à l’expression des « aspirations des populations » : qui parle au nom de qui, et au terme de quels processus participatifs ? Journées des paysages, Ministère de la Transition écologique et solidaire, La Défense.
Marlin C. (2017). « Faire comme c’est écrit dans le CCTP. Le discours technique du CCTP confronté à l’économie du jardin ». Les carnets du paysage, N°32, p.44-55. URL: https://www.collectifencore.com/comm-dans-le-cctp
Marlin C. (2019). « L’économie du paysage ou la réinscription du champ comme espace collectif », actes du colloque ERPS de Sabres en 2017, Presses Universitaires de Saint-Étienne.
« La méthode des Atlas de paysage 2015 », site du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer.
Delaigue-Morel paysagistes, L’atlas des paysages des Pyrénées-Atlantiques, Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques, 2001. URL: https://objectif-paysages.developpement-durable.gouv.fr/atlas-des-paysages-des-pyrenees-atlantiques-104
Identifier les ressources et initiatives du territoire
Susciter des échanges entre acteurs
expérimenter à partir de chantiers collaboratifs